Ligue 1 / OM - Dossier Bielsa (3/3) : la déferlante médiatique a encore frappé


Lundi 4 Mai 2015 16:40 - écrit par Adrien Laborde



Troisième et dernier volet de notre dossier sur Marcelo Bielsa. Après s'être intéressé à l'apport indéniable du fantasque coach argentin sur la Ligue 1, après avoir pointé du doigt les reproches qu'on pouvait lui faire, intéressons nous désormais au traitement médiatique de son cas personnel et mettons en lumière les effets néfastes d'un corporatisme qu'il ne fait pas bon dénoncer.

La défaite face à Lorient était apparemment celle de trop pour (presque) tous les bien pensants du football. Ceux qui avaient prédit la chute de l'OM, ceux qui savaient qu'avec Bielsa tout n'était que feu de paille. Vous savez, tous ceux qu'on entend après coup, histoire de donner des leçons...

Les anciens jubilent

En tête de liste, les anciens présidents de l'OM, Pape Diouf en tête de file :

Un entraîneur, c’est l’homme d’un contexte, l’homme d’une situation, voire d’un effectif. Croire par conséquent qu’il existe un entraîneur gourou, un entraîneur «définitif», c’est un leurre. Personnellement, j'ai du mal à croire à un entraîneur qui ne parle pas la même langue que les joueurs qu'il est censé conduire. Enfin, à ce que je sache, Élie Baup n'a pas fait moins bien que Bielsa... Il avait même réussi à qualifier l'OM en Ligue des Champions

La comparaison se suffit à elle même, et l'importance moindre accordée à l'entraîneur est la preuve même d'une méconnaissance totale du football. Passons à Christophe Bouchet.

La théorie du magicien ne fonctionne jamais. Avoir un entraîneur magicien ne marche pas. Un club, ce n’est pas un magicien au milieu du néant. Je ne crois pas à l’homme providentiel [...] La grande qualité de Vincent (Labrune) a été de faire passer Bielsa pour un magicien [...] Avant le dernier clasico, j’ai été invité sur le plateau des Spécimens. J’ai dit que Marcelo Bielsa était la pire chose qui soit arrivée à l’OM. Il n’est pas là pour l’amour de Marseille.

Mais dîtes-moi, ce ne serait pas Christophe Bouchet qui serait à la base de la nomination de Pape Diouf à l'OM en 2004 comme manager général ? Ah je me disais aussi. M'enfin, dire que Bielsa, c'est la pire chose qui soit arrivée à l'OM, là... On touche clairement le fond dans l'analyse footballistique.

Une jeunesse française en question

À Marseille, ce n'est pas le coach qui ne va pas, c'est la politique mise en place : baser son projet sportif sur la jeunesse française, ce n'est pas se tirer une balle dans le pied, c'est se jeter d'un avion sans parachute au dessus d'un champ de mine. La dose de travail imposée par le technicien argentin ne correspond absolument pas aux standards auxquels sont habitués nos joueurs formés. Et ce n'est pas José Anigo qui me contredira sur ce point, la preuve dans une interview qu'il vient de donner à France Football :

Les joueurs rechignent souvent à se mettre dans le rouge. Ils ne veulent pas souffrir [...] Car naturellement et spontanément, en France, le joueur n’a pas envie de se faire mal. Et ne sait pas le faire. [...] Les plus jeunes sont les plus compliqués à gérer. J’en ai même croisé qui ne connaissaient pas le classement de notre équipe ! Allez bosser une cohésion avec des gars comme ça !

Combien d'autres joueurs français partis à l'étranger tombent des nues quand ils se rendent compte du professionnalisme et de la charge de travail dans leur nouveau club ? Pèle-mêle : Nasri, Gouffran, Cabella, Aubameyang, Guilavogui, ou encore Joey Barton qui dit qu'en France on ne s'entraîne pas...

Rappelez-vous Leonardo, qui s'était fait critiquer ouvertement par René Girard ou Rémi Garde entre autre ? Et Carlo Ancelotti, est-il un coach assez renommé et reconnu dans le football pour que nos merveilleux entraîneurs ne lui tombe pas dessus ? Quand il dit que "les Français ne comprennent pas pourquoi ils doivent travailler à 100 % tous les jours", que "les joueurs français sont différents des joueurs italiens ou anglais, qui sont toujours à 100%. Il faut les pousser." On a le droit de l'écouter aussi ?

Quand le corporatisme entre en scène

Que le football français travaille mal, qu'il soit en crise, voilà une des choses qu'il ne faut surtout pas dire aujourd'hui, sous peine de recevoir les foudres de tous.

Pourtant, à se fier au palmarès et à l'expérience de nos entraîneurs français, permettez moi de vouloir tendre l'oreille ailleurs et de m'inspirer de ceux qui ont réussi. Aujourd'hui, Luis Fernandez est LE SEUL entraîneur français à avoir remporté une coupe d'Europe. On s'en rend bien compte ? Le mieux dans tout ça, c'est aussi un des rares de la profession en France à défendre corps et âme Marcelo Bielsa. Lisez plutôt :

Ils ont la chance de travailler avec lui. Alors oui, cet homme fait ses fautes. Mais il assume. [...] Bielsa ne mérite pas ça et ces mecs-là ne le méritent pas. D’autres l’ont mérité : on voit le souvenir qu’il a laissé à Bilbao, au Chili, en Argentine. Partout où il passe. [...] Il faut finir par se poser les vraies questions. Si Bielsa n’y arrive pas avec ces jeunes, personne d’autre ne peut y arriver.

Et pourtant, voyez jusqu'où ça va, même Pascal Dupraz, entraîneur d'Evian Thonon Gaillard, qui en vient à parler dans sa conférence de presse de l'entraîneur argentin :

Cela avait déjà mal commencé car vendredi, Bielsa avait décidé de se moquer du football. À partir de là, Lorient, qui a très bien joué, a profité des largesses d’un système venu d’ailleurs.

D’ailleurs, si son club est relégué en Ligue 2, je pense qu'il porter plainte contre Marcelo Bielsa, probablement responsable numéro un de son échec et de l'incapacité de son équipe à bien jouer au football. Vous n'êtes pas encore convaincu ?

Écoutez donc Pierre Ménès se languir d'avoir su, dès la 2e journée de Ligue 1, que Bielsa allait se vautrer après un match nul et une défaite... Lui qui ose parler au nom du supporter marseillais, déçu de quitter le stade après ses derniers matchs, alors que deux ans plus tôt il avait au moins pu voir son équipe jouer (enfin, figurer...) en Ligue des Champions avec Baup... Du grand n'importe quoi, les supporters de l'OM aujourd'hui adulent Bielsa et chantent à sa gloire en permanence !

Par contre, pour ce qui est de défendre l'ami ET compatriote Laurent Blanc, qui va peut-être réussir un incroyable triplé national avec un budget 5 fois supérieur aux autres et des joueurs hors norme, là... - si l'homme vous intéresse, un portrait est disponible sur le site.

Le corporatisme en France est une véritable gangrène. De la Fédération Française de Football où tous les postes sont refilés entre une dizaine de personnes, aux entraîneurs français eux même, en passant par la plupart des journalistes ou consultants, la moindre critique, maladroite ou non, est aussitôt remise en question, son auteur immédiatement attaqué, sans même prendre le temps de s'interroger sur la pertinence ou non de celle-ci.

On aura réussi à garder Ancelotti 1 an et demi, Ranieri 1 an et maintenant Marcelo Bielsa 1 an, à moins d'un joli revirement de situation. Par contre, des Paul le Guen, on y aura eu droit pendant 9 ans. Guy Lacombe, 13 ans. Casanova, 7 ans. Antonetti, 18 ans !

Il n'y a pas à dire, le football français est vraiment sur la bonne voie.